CHILLA – LIBÉRÉE ET ÉPANOUIE | INTERVIEW

Koria

Après un an et demi de tournée pour son ep « Karma » sorti en 2017, Chilla revient avec son premier album « MŪN « .

« J’ai été libérée par rapport à ce qui s’était passé dans Karma, j’ai vraiment pris du recul sur ma musique. Ça m’a permis d’être plus homogène entre le rap et le chant et également dans ma manière d’aborder mes paroles, j’ai eu beaucoup de lâché prise. »

Dans cet album la jeune artiste a vraiment trouvé son identité, elle n’a plus à prouver son talent et en profite pour être elle-même à 100%.

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« J’étais plus dans un truc ou je voulais prouver que je savais faire des allitérations ou des assonances,  j’étais en mode ok faut que je sois la plus sincère possible, quitte à laisser du silence ou que ça ne rime pas, je voulais juste être spontanée et authentique».

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A l’occasion de Mun, elle met en avant ses qualités de chanteuse et se laisse transporter par ses émotions.

« Il y a encore un an et demi de ça je disais à mon producteur je ne parlerai jamais d’amour »

Et pourtant dans beaucoup de textes de l’album elle se met à nu comme dans « Pour la vie » où elle avoue sa dépendance à une relation compliquée et supplie son partenaire de revenir. Parler d’amour elle en ressentait le besoin finalement, ça a agi sur elle comme une thérapie.

On retrouve deux collaborations sur cet opus, une avec Kalash et une avec Gros Mo. C’est le métissage musical de ces deux artistes qui a donné à Chilla l’envie de collaborer.

Chilla s’est dévoilée dans cet album, son rapport à la solitude, sa famille, ses histoires d’amour elle nous dit tout. Mais elle ne se laisse pas avoir par le côté trop sentimental et nous propose un album complet sur le lequel elle se balade entre doux morceaux chantés et flow kické. Rencontre avec l’artiste

Koria

Pour commencer peux-tu nous décrire ton parcours dans la musique jusqu’à maintenant ?

« J’ai un parcours atypique, j’ai commencé le violon à 6 ans. J’ai toujours chanté depuis toute petite et au lycée je suis rentrée au conservatoire avec des horaires aménagés : j’avais cours le matin et conservatoire l’après-midi. J’ai arrêté le violon après avoir passé le bac. Étant donné que je chantais depuis pas mal de temps je me suis vraiment dit que je voulais faire quelque chose autour du chant. J’ai commencé par faire des covers d’Amy Winehouse, Selah Sue… À 17ans j’ai fais une soirées avec mes potes les plus proches et pour taper des barres il m’ont proposé de se joindre a eux pour faire un freestyle. J’ai écrit mon premier texte en soirée on a enregistré dans une chambre un peu à l’arrache et depuis j’ai jamais lâché le rap. »

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Depuis quand travailles-tu sur Mun ?

« J’ai sorti « Karma », mon premier EP, en 2017, suite à ça j’ai fais un an de tournée qui m’a vraiment permis de rencontrer mon public, partager ma musique et d’avoir du recul sur mes créations. Au final j’ai commencé à bosser sur « Mūn » en juillet 2018 suite à une résidence faite à Nice, organisée par mon producteur. On était plusieurs rassemblés dans une maison : des ingés son, mon beatmaker, même Yousoupha est passé ! J’ai commencé a faire mes premiers titres là bas, j’ai fait « 1er Jour d’École » que j’ai co-composé avec Yousoupha, je lui ai aussi volé le titre « La nuit ». Sinon tous les autres titres de l’album c’est des titres que j’ai composé et écrit. J’ai continué a composer à Paris et ensuite on a fait une dernière résidence a Marrakech. Sur ce projet je me suis libérée par rapport « Karma », j’ai vraiment pris du recul sur ma musique. Ça m’a permis d’être plus homogène entre le rap et le chant et dans ma manière d’aborder mes paroles : j’ai vraiment lâché prise. Au final ce qui m’ a vraiment aidé c’est de me mettre à la composition avec Flizzi, c’est vraiment mon binôme. Le fait de pouvoir poser mes accords comme base des instrumentales m’a aussi permis de lâcher prise et de vraiment me libérer musicalement.

Selon toi, en quoi « Mūn » est différent de « Karma », ton premier EP ?

« Karma c’était clairement une quête identitaire. J’étais dans un truc ou j’avais envie de prouver ce dont j’étais capable, j’estimais pas avoir la légitimité d’exister dans le milieu du rap. J’ai grandis en province, je suis femme, j’étais dans un truc ou je me disais « est ce que c’est possible ou pas ? » et si ça l’est il faut que je montre que je suis à la hauteur. Dans « Karma » il y avait un peu plus de fioritures : je voulais montrer que j’avais du flow, du texte. Le fait de défendre ce projet sur scène ça m’a permis de prendre du recul et il y’a eu un gros lâché prise qui a suivi. Toute la création de « Mūn » ça a vraiment été un travail de pensée analytique, je me sentie libérée et du coup tout est beaucoup plus fluide. Je ne suis plus dans un truc ou je veux prouver que je sais faire des allitérations ou des assonances.  « Mūn » c’est de la sincérité, quitte à laisser du silence ou que ça ne rime pas, je voulais juste être spontanée et authentique».

Quelles sont les artistes qui t’inspirent musicalement ?

« J’ai eu la chance d’avoir une belle éducation musicale, j’ai fais du violon, mes parents écoutaient de tout, à la maison ca pouvait aller des Red Hot Chilli Peppers a Bob Marley. Mais aussi beaucoup de rap grâce a mon grand frère. Finalement les artistes qui m’ont le plus inspiré ça peut aller de Amy Winehouse à Tyrus ryley en passant par Lorin Hill. En artistes féminines il y vraiment la génération Destiny’s Child, Eve, Missy Elliott : les américaines m’ont beaucoup inspirées . En France : Diam’s, Kenny Arkana et pleins d’artistes masculin aussi. »

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Dans Bridget tu parles de ta peur de ne pas trouver chaussure à ton pied en amour, c’est quelque chose auquel tu penses souvent ?

« Il y a encore un an je disais à mon producteur que je ne parlerai jamais d’amour, pour moi c’était synonyme de faiblesse et finalement la vie m’a prouvée le contraire et j’ai ressenti le besoin d’en parler. Ca a fait parti du processus de création mais aussi thérapeutique, j’avais besoin d’en parler, de mettre mes émotions sur la table. Bridget Jones c’est vraiment une référence au fait de se dire que j’ai pas envie d’être celle qui va attendre un mec pour d’épanouir pour moi la vie de couple c’est un bonus. J’ai pas envie que ça soit ça qui définisse ma vie et mes choix. Mais en même temps j’ai aussi peur de finir seule que de devenir dépendante affective. Il y a une notion de dualité dans tout le projet car j’ai une personnalité avec pleins de contradictions mais c’est dans ce morceau qu’on le ressent le plus . »

Comment les collabs avec Kalash et Gros Mo se sont faites ?

« C’est deux artiste que j’affectionne beaucoup et que j’ai beaucoup écouté. Ce qui m’a fait plaisir dans ces collaborations c’est des artistes avec lequel j’ai pas mal de parallèles. Gros mo il peut rapper sale au meme titre qu’il peut faire des chansons d’amour et Kalash pareil on peut le retrouver sur de morceaux trap, dance hall, reggae. C’est ce métissage musical qui m’a attiré chez eux et ça c’est super bien passé. Kalash je me suis retrouvée en studio avec lui on a écouté pas mal de prod de flizzi et s’en ai suivi la séance studio ou on a fait le truc en 2h, il est hyper efficace donc j’avais un peu de pression. Gros mo je lui ai fait écouter le titre égo sur lequel je me sentais pas de faire in deuxième couplet et quand je lui ai fait écouter il a kiffé puis enregistré sa partie à Perpignan. C’est des collaborations hyper fluides parce que ce qui est au centre de ma musique et l’humain et le partage. »

Dans Tic Tac tu dédicaces tes parents qui t’ont permis de débuter ta vie dans de bonnes conditions, dans quel environnement as-tu grandi ?

« C’est un sujet assez sensible car je suis pudique. Mon père a eté très malade toute ma vie, je l’ai perdu quand j’avais 14 ans. C’est lui qui m’a transmit l’amour de la musique, que j’ai une oreille et une voix, il était pianiste ça a joué dans mon environement et ma mère jouait de la guitare et chantait. Les deux étaient éducateurs spécialisés donc j’ai été éduquée avec beaucoup de valeurs que je defand aussi dans mon projet, ce quei ressort le plus dans ma famille c’est l’unité et l’amour, j’ai été très gatée et remplie d’amour c’est l’essentiel. »

Dans « Pour la vie », tu implores le retour de quelqu’un que tu as aimé, tu n’as pas eu peur de te livrer à ce point sans détour et retenue ?

« Avant j’étais radicale : je ne voulait pas parler d’amour. Mais la musique c’est aussi un processus d’analyse et de thérapie. Je ne me suis pas posée la question : j’avais besoin de m’exprimer par rapport à ça. Je ne peux pas faire semblant de ne pas être atteinte par une rupture. Ca a été une manière de commencer le processus du deuil, je suis gênée d’en parler c’est très intime mais j’étais obligée de passer par là si je voulais passer un cap ».

Quel est ton son préféré du projet et pourquoi ?

Le morceau « Solo » c’est un son très introspectif , je l’ai mis à la fin car il représente l’aboutissement de l’analyse, je me suis en accord avec moi même et j’accepte que même si je crains la solitude il faut l’accepter et la vivre pour mieux l’appréhender et ça donne du sens a mes relations. Le moment ou je suis en accord avec moi meme et que j’accepte que la solitude fait partie de la vie ca donne de la saveur à mes relations et ca me redirige sur l’essentiel : tout ça n’aurait pas de sens sans mes proches. C’est l’aboutissement de ce projet : j’ai beau être sensible ça n’empêche pas que je suis tellement bien entourée que la mélancolie ne dure pas. »

Avec quel artiste français aimerais tu collaborer ?

« Il y en a pleins ça peut être de Damso à Stromae ou même Angèle j’adore ce qu’elle fait. En international on a tous envie de collaborer avec le plus grand mais DaniLeigh ça serait intéressant de faire une collaboration avec elle parce qu’elle représente tout à fait le niveau auquel j’aimerais arriver à gérer le chant, l’attitude, le rap. C’est une artistes hyper complète. »

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