Interview // Chrisette Michele – Libérons L’oiseau Chanteur

 
Chrisette Michele est de celles qui s’écartent de la norme, et cela se retranscrit dans différents aspects de sa vie.  La jeune chanteuse de 27 ans n’a pas peur d’arborer du rouge vif sur ses lèvres, ni même d’assumer une coupe aussi courte que celle des rappeurs avec qui elle chante. Suivre comme un mouton pour l’argent ne l’a jamais intéressée, et c’est probablement son rôle de leader plutôt que de suiveuse, qui a permis d’agrandir sa discographie de 3 albums cette année. Le dernier, Let Freedom Reign, est un savant mélange de chansons décrivant les plaisirs et les maux de l’amour. Avec des titres comme « I’m a Star » et « Goodbye Game» Chrisette prouve qu’elle maîtrise l’art de marier sa voix soul à des histoires de cœur.
Si ses mots sonnent familiers, il n’en sera rien de ce qu’elle nous réserve pour l’année 2011. « Je me sens vraiment rebelle », révèle-t-elle. « J’ai l’intension de faire tout l’inverse de ce que je suis supposée faire. Je n’ai pas l’intension de suivre les règles. Je refuse de faire ce que quiconque m’ordonnera ».
Alors qu’elle s’assoit confortablement dans son fauteuil un chocolat chaud à la main, en cette après-midi glaciale de décembre dernier dans notre chère capitale , Chrisette se montre très chaleureuse. L’originaire de Long Island n’est pas du genre à donner des réponses courtes; ses réponses sont toujours articulées de manière à satisfaire l’interlocuteur. Da Vibe  s’est glissé dans l’intimité de l’enfant du R&b qui parle de la chanson sur laquelle Drake aurait dû poser, de son alchimie avec Rick Ross, de contacter Nicki Minaj sur Twitter, de son admiration pour Kanye West, et de ses icônes de mode. Libérons l’oiseau chanteur… Rencontre !!! 

Par rapport à tes précédents albums, qu’as-tu accompli de plus avec le nouveau?
Tout comme sur le premier album, j’ai pu écrire la quasi-totalité des titres. A l’époque j’avais écrit 9 des 12 chansons. Mais sur cet album, contrairement aux 2 premiers, je suis co-producteur exécutif  et j’ai l’impression que c’est un exploit pour une fille noire de pouvoir faire tout ça. J’espère être une motivation pour mes sœurs.
Quelle est ta chanson préférée de l’album?
« If Nobody Sang Along » est une de mes préférées. Cette chanson parle du fait que si aucune radio ne passait mes chansons, s’il n’y avait aucune émission vidéo, ni de maisons de disques ou de magazines, est-ce que je voudrais quand-même raconter mon histoire? Si ce que j’avais à dire n’était pas dans l’air du temps, est-ce que je serais assez courageuse pour le dire quand-même? La réponse est « Let Freedom Reign ». La réponse c’est cet album, et oui je continuerais à parler même s’il n’était pas populaire de dire ce que je pense. J’ai écrit cette chanson. Ça n’est pas une super production. Chunk Harmony est au clavier, et on a appelé un de nos amis pour jouer du violoncelle. C’est plus une chanson organique.
Quatre rappeurs devaient se trouver sur la chanson, mais finalement il n’y en a eu que deux : Talib Kweli et Black Thought. Que s’est-il passé avec Drake et Rick Ross?
Drake et Ross étaient en fait prévus pour une autre chanson intitulée « So In Love ». Drake n’a pas pu être présent à cause des politiques de nos maisons de disques, mais il était très excité à l’idée de la collaboration. Il a même fait une vidéo pour l’occasion et lancé une petite promotion. C’est vraiment un garçon adorable,  vraiment très doux et très gentil. Ross à quand même été capable de poser en secret. Il m’a délivré le morceau et m’a dit « voilà! Je l’ai fait quand même, mais ne le dit à personne ».
En parlant de Drake, il était dans le clip d’  « Epiphany (I’m Leaving) ». Comment es-tu entré en contact avec lui avant même qu’il ne devienne la superstar d’aujourd’hui?
Je n’avais ni coordonnées, ni email, ni quoi que ce soit. Quelqu’un de la maison de disque a présenté ma mère à la sienne, je suppose quelqu’un du management, parce que j’avais besoin de quelqu’un pour le clip. Et on m’a dit « il y a ce type qui arrive et qui va tout déchirer ». Ils m’ont envoyée sur sa page MySpace. Et pour être honnête, je l’avais seulement vu dans Degrassi. Je ne savais pas qu’il était musicien. Alors il a participé à mon clip.  
Comment est ton alchimie avec Rick Ross, après voir travaillé avec lui plusieurs fois?
Tu sais, ce qui est bizarre c’est que je m’entends très bien avec les rappeurs et les gens qui font peur. Je leur demande tout le temps « pourquoi tu m’as choisie [pour cette chanson]»? Je pense que je suis vraiment décontractée, assez calme et relax. Je ne prends pas trop les choses au sérieux parce que rien de ce qui n’est pas censé arriver n’arrivera. Je suis très ouverte d’esprit parce que si quelque chose doit se faire, je veux être de la partie. Quand j’étais en studio avec Rick Ross pour « Ashton Martin Music », il m’a dit « c’est à ça que mon album va ressembler », et il  m’a donné une liste de titres de chansons pour l’album. Qui fait ce genre de chose? Aucun des titres n’avait de paroles, mais il avait toute cette musique. « C’est une chanson que j’enregistrerait sur une mélodie R&b », disait-il, « je vais l’appeler ‘Ashton Martin Music’ ».  Non seulement il voulait l’appeler « Ashton Martin Music », mais quand j’allais dehors, il y avait réellement une Ashton Martin dans le parking, une Porsche, une Bentley, une Rolls Royce. C’est dingue! Il vit vraiment toutes ces choses dont il parle.
« Number One » a été co-écrit par ta mère. Comment ça s’est passé?
J’étais en plein syndrome de la page blanche pour « Number One ».  J’étais en studio, exténuée, et la chanson avait tellement de mélodies. J’ai dit : « Je n’ai pas envie de faire du remplissage là. Maman qu’est-ce que tu dirais si c’était ta chanson? » Alors elle a commencé à dire des phrases et je les tapais. A la fin je les ai faites rimer, j’ai été dans la cabine et je les ai enregistrées. Comme moi, elle écrit de la musique. Toute ma famille est très musicale. Mon père a gagné pleins de récompenses dans la musique. Il a gagné l’Apollo plusieurs fois. Mais ils sont tous deux professeurs en éducation spécialisée.
Tu as twitté à propos de ton désir de faire un duo avec Nicki Minaj. Êtes-vous entrées en contact depuis?
Tu sais quoi? Elle m’a en fait répondu et depuis on se suit sur Twitter. Et, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, elle est inondée de collaborations et j’en passe, donc dès qu’elle sera prête et voudra le faire, je le serai aussi. Je la soutiens, Je suis excitée pour elle.  Je parlais d’elle à un forum d’affaires il y a quelques semaines. Je pense que c’est un coup de génie lorsque quelqu’un est capable de prendre son environnement et d’en faire une marque. Quand tu prends une Barbie, les rues dans lesquelles tu as grandi, du gloss, et simplement des choses puis tu les transforme en marque de fabrique. La différence entre moi et une artiste comme Nicki Minaj, qui prend des choses et en fait une marque, est que les choses que je choisis ne sont pas tangibles. Je prends des émotions, et je les étiquette… Ça prend un peu plus de temps pour que les gens comprennent de quoi je parle parce que ça doit d’abord toucher leur cœur, c’est pour ça que je suis le genre d’artiste qui doit tourner 200 à 250 jours par an.
Qu’as-tu pensé de « Runaway, » le film de  Kanye West, après avoir assisté à l’avant-première de New York?
Kanye est l’un de mes artistes préférés. C’est une rock star. Ce que j’aime le plus chez lui c’est qu’il n’a pas peur de la machine. La plupart des gens qui ont quelque chose à dire se cachent sous la table, ont peur de porter de l’Alexander McQueen, ils ne sont pas à l’aise à l’idée de conduire une Maybach parce qu’ils ne veulent pas être vus dedans. Kanye n’a pas peur de se mettre debout sur une boite et de dire ce en quoi il croit. On ne comprend pas forcément pourquoi il dit ce qu’il dit, mais lorsqu’il s’explique, ça prend tellement de sens. Le meilleur dans le fait d’avoir pu assister à la projection privée, a été de pouvoir entendre ses explications au sujet de bon nombre de choses qu’il a faites et dites ces dernières années. J’ai vraiment été touchée par son honnêteté et son courage. C’est une des personnes les plus courageuses.
Aurais-tu une icône de mode dans l’industrie de la musique?
Josephine Baker. Diana Ross. Dorothy Dandridge. Elles n’avaient pas peur d’être glamour tout en étant discrètes. Elles étaient un peu mystiques, mais aussi très éclectiques. Elles ne faisaient pas comme tout le monde à leur époque. Même Phyllis Hyman quand elle portait ses turbans sur la tête. C’était une comédienne-chanteuse sur scène. Elle n’avait pas vraiment peur de ce que les gens pouvaient dire sur ce qu’elle portait. Josephine Baker portait des chapeaux hauts et des chapeaux hauts de forme et des vestes de tailleur, mais elle avait l’air d’un mannequin. Elle pouvait porter un gros nœud papillon, donc un ensemble masculin, mais avec un magnifique rouge à lèvre qui la faisait immédiatement sortir du lot. Dorothy Dandridge, même sa façon de marché m’a inspirée. Pour moi, l’élégance mixée à un comportement éclectique est attirant.
Beaucoup d’artistes défendent certaines causes. En as-tu défendues certaines ou crées tes propres causes?
Saving Our Daughters est une association dont le but est de sauver nos filles. Je pense qu’une façon de les sauver serait à travers le mentorat. Donc mon objectif principal est d’encourager les jeunes à être les mentors de plus jeunes car il y a beaucoup d’enfant qui n’ont pas beaucoup d’exemples à suivre. Je commence aussi mon propre programme de mentorat intitulé Email Mentor. Beaucoup de gens n’ont plus vraiment le temps. Souvent, je donne mon adresse email a des enfants et on s’échange des photos. Je leur demande comment ça se passe à l’école et s’ils obtiennent des bonnes notes, je les mets sur ma page Twitter, ou je leur envoie une paire de baskets ou quelque chose du genre. C’est une façon pour les personnes bien en vue de donner un peu de temps pour le mentorat de ces enfants. Vous en verrez pas mal dans le futur.