Interview // Lyfe Jennings – Le Messager

Dans le monde du R’n’B contemporain, Lyfe Jennings est le prototype de ce que les chefs du hip-hop considèreraient comme un « disciple de la rue ». Comme Nasir Jones, son cousin musical d’un autre genre, Jennings a été « décisif » dans la lutte contre les sujets tabous, toujours présents dans la société. Mais, même les voyous ont besoin d’amour, et sa discographie propose des titres qui mettent en lumière les joies de la vie, l’amour et la quête sans fin de bonheur.   En chevauchant (et brouillant) les lignes du hip-hop et du R’n’B, Lyfe Jennings est devenu l’une des stars les plus uniques de l’industrie musicale. Et bien que les médias de masse se soient attardés sur son passé, en tant que criminel incarcéré, il a défié tous les stéréotypes qui sont venus sur son chemin. En conséquence, en 2008, le New York Times annonçait Jennings comme «un chanteur de R‘n’B réfléchi». À ce jour, Lyfe Jennings a enregistré trois albums acclamés par la critique : Lyfe 268-192 (2004), Le Phoenix (2006) et Lyfe Change (2008). En prévision de son quatrième et dernier effort en studio. New York , Août 2010 ,  M. Jennings a réussi à se libérer du temps parmi son agenda chargé et à s’installer pour une interview avec Da Vibe – en réfléchissant sur la provocation « S.E.X. », l’influence précoce d’Erykah Badu, et de la vie de père aux yeux de tous. Confidence ! 
 (Ndlr : à l’heure ou nous publions cette entrevue  Lyfe est retourné en prison )
Au commencement de ta carrière, j’ai été intrigué par une histoire qui tournait autour de votre rencontre fortuite avec le « Baduizm » d’Erykah Badu. Selon la légende, son album s’est retrouvé dans votre cellule en 1997 et cela a changé votre point de vue sur la musique. A ce moment précis, pourquoi penses-tu que Baduizm a eu une influence énorme sur ta carrière?
J’étais à un point où je lisais beaucoup et où  je ne pouvais pas trouver un moyen de connecter ce que je lisais à la musique. Parce que jusque-là, ça n’avait jamais été fait. Et puis quand j’ai entendu parler de Baduizm, j’ai dit, « Wow! » Erykah faisait toujours de la musique, mais elle le faisait à sa manière. Et j’ai dit : « C’est ce que je veux faire. »
Quelle chanson t’as le plus parlé ?
Mon titre préféré de « Baduizm » est « On & On. » C’était juste énorme !
Quand as-tu appris la guitare pour la première fois ? Sur la couverture de ton premier album, Lyfe 268-12, tu avais une guitare suspendue au-dessus de ton épaule et tu parles même de certains endroits où tu avais joué pendant que tu étais en prison.
En prison c’était le seul instrument que l’on peut avoir. Ils ont voulu mettre de la musique dans mes chansons, mais ils voulaient le faire à leur manière et ne voulaient aucune aide de ma part.  Et je ne voulais pas de cela. Je voulais faire partie du processus global et faire de la musique. Et alors j’ai pensé, « Je ferais mieux de tout faire moi-même. Faire mon truc.  »

Avec tes trois premiers albums, un thème central a toujours été le concept de changement – que ce soit au niveau personnel, spirituel ou communQuels autres messages sont, selon-toi  importants de transmettre à tes fans ?
J’essaie vraiment d’envoyer des messages positifs  vers les personnes qui écoutent ma musique,  et je vais aussi faire des erreurs mais, la chose la plus importante est juste de reconnaître et de se rendre compte de ses erreurs et essayer de passer outre. Et tout le monde peut le faire.
Lorsque tu regardes en arrière sur ta carrière et réfléchis sur certaines de ces erreurs, que penses-tu être la plus grande leçon professionnelle que tu as dû apprendre?
Les grandes erreurs que j’ai faites dès le début étaient basées sur deux choses : ne pas prendre davantage le contrôle, le contrôle personnel de mes propres projets, et ne pas faire tout ce que les gens essaient de vous dire. Une fois que vous avez atteint une certaine forme de succès.
Si on considère l’histoire de ta vie, tu as été capable de transformer une expérience négative en quelque chose de positif pour votre vie. Encore plus, tu as été en mesure d’utiliser la plate-forme musicale d’une manière positive pour parler à un grand nombre de personnes. Lorsque tu es arrivé sur la scène musicale, quel degré de liberté et de flexibilité as-tu eu pour partager ton histoire? Etait-ce difficile au début?
J’ai eu toute la liberté de faire ce que je voulais, mais j’avais l’impression que le label essayait d’en faire un dessin animé ou quelque chose comme ça. Voilà comment je voyais l’argent à l’époque. C’est pourquoi je n’ai jamais vraiment parlé de cela auparavant – même jusqu’à maintenant, quand vous avez parlé de mon expérience en prison – car je ne veux pas qu’elle soit glorifiée comme une bande dessinée. 
Tu as ton propre label aujourd’hui, « Jesus Swings ». À quel moment as-tu su que tu avais besoin de créer ton propre management et avoir ta propre identité, en dehors du label ?
C’est un tout, il y aurait trop de moments à citer. Mais je pense que trop souvent, le management profite de ton succès avant même que toi tu puisses le faire. Ils ne sont pas ici, et vous pouvez toujours essayer de faire des choses plus importantes et meilleures. Et cela fait partie des nombreux problèmes que j’ai eus.  
Du point de vue marketing, Tu sembles être à cheval sur la barrière de beaucoup de manières. Certaines personnes – qui se basent juste sur des apparences – voudraient te placer dans une certaine catégorie. Tu avez un public R’n’B, ainsi qu’un autre plus Hip Hop. Comment géres-tu ces deux publics et arrivez à combler le fossé ?
Je ne pense même pas que c’est moi. Je pense juste que c’est la vérité, les gens se reconnaissent dans la musique. Et où qu’ils soient, si c’est la vérité pour vous, vous allez vous tourner vers elle. Ainsi que le style sage, – je veux dire que j’ai toujours un problème avec le style parce que je sais que, pour savoir passer au niveau suivant. C’est ce que je dis toujours. Mais, je me sens toujours mal à l’aise dans ce genre de choses. Je ne fais pas exprès de chevaucher la barrière. C’est par hasard, parce que parfois je les mets, et d’autres fois, je ne suis pas à l’aise dedans. Je ne sais pas pourquoi.
Peu d’artistes sont prêts à prendre un risque et faire de la musique qui traite de questions controversées et de tabous. Te considères tu comme un disciple de la rue, comme Nas ? Il y a 2 ans, le New York Times t’inscrivait comme « un chanteur de R’n’B engagé ».
 Je me sens vraiment comme cela parce que, si vous regardez de plus près, j’ai l’impression que personne ne fait réellement ce que je fais. Il y a plusieurs grands chanteurs, comme Anthony Hamilton et Alicia Keys, qui produisent une musique de qualité mais, quand vous parlez de sortir quelque chose comme « S.E.X. », «Must Be Nice», « She Got Kids » ou «  Keep on Dreaming » ou quoi que ce soit, il n’y a personne qui fait des sons comme ceux-là.
Tu viens de mentionner quelques-unes de mes chansons préférées. Je vais commencer par « S.E.X. » Qu’est-ce qui t’as amené à écrire cette chanson ?
 Je vois ces jeunes filles et j’imagine ce qui se passe dans leur esprit, quand leur corps se met à se développer tout d’un coup. Et je sais que l’attention portée sur elle, change radicalement. C’est le jour et la nuit. Elles ne peuvent même pas aller à l’épicerie du coin sans être harcelées par un mec. J’ai vu tellement de choses quand je suis revenu.
Une autre de mes chansons préférées est « It’s Real. » Quelle a été l’inspiration pour cette chanson en particulier ?
Les trucs de tous les jours. Comme je le constate avec ma copine, parfois. Vous voyez une nana dans un club ou ailleurs. Vous parlez de sexe avec elle, ou peu importe, en vous demandant quand elle sera prête. Ca se fait sur un coup de tête et vous n’avez pas le temps d’aller chercher des préservatifs ou quelque chose. Vous voulez vraiment le faire, mais vous devez faire un choix. Mais, trop souvent, nous n’avons pas les idées claires alors, je voulais simplement m’assurer de faire quelque chose qui aide les gens à être en mesure de voir la situation dans son ensemble.
Le 1er single de ton prochain projet est intitulé « Haters ». Pourquoi penses-tu que la chanson était le titre parfait pour présenter cet album ? Et, quelle réponse as-tu pour tous les haters qui sont dans ta vie maintenant?
Laissez-moi vous dire quelque chose de drôle. Restons concrets. J’ai d’abord sorti « Haters » parce que je voulais absolument juger certaines choses qui se passaient dans ma vie, et, tout ce que je voulais faire, c’était le faire en musique. Et parfois, vous savez, une chose tourne mal. Tout le monde veut dire n’importe quoi sur toi. Alors, j’ai sorti « Haters ». Quelque chose d’intéressant s’est passé avec ce morceau. C’est une chanson hot. Je l’apprécie vraiment. «Haters» n’a pas vraiment eu de réaction émotionnelle de la part du public.

Selon plusieurs rapports,  The Afterlife sera ton dernier opus.  Que veux-tu qu’il soit en terme d’héritage ?
Eh bien, nous avons changé le titre de l’album à plusieurs reprises. Et, je suis également retourné en studio et je l’ai arrangé. L’album est intitulé The Afterlife. C’est le titre officiel pour le moment – The Afterlife – parce que c’est mon dernier album. Mais, je ne sais vraiment pas quel genre d’héritage ça va donner. J’espère simplement que les gens vont continuer à apprécier la musique et continuer à écouter des chansons comme « She Got Kids. ». À ce stade, ça va te rendre meilleur. Je ne suis pas quelqu’un d’élégant. Je fais juste de la musique.
Ta mère a également été une source de motivation très puissante dans ta vie ? Lorsque tu regardes en arrière sur votre carrière, y a-t-il un élément un conseil particulier qu’elle t’ as donné que vous avez appliqué durant toutes ces années ?
Ma maman dit toujours : « Tu es la tête et non la queue ». Et j’essaie de vivre avec ça. Parce que si on prend en compte différents aspects, les gens vont essayer de vous attraper – peu importe qui vous êtes – car tout le monde est une star dans son propre domaine. J’essaie de me le rappeler. En plus, ma maman était une dame d’un certain statut quand j’étais plus jeune, et, elle et ma grand-mère m’ont dit que c’était la preuve que je pouvais changer.
Comme tu es devenu célèbre, l’un des pièges, bien sûr, est la perte de vie privée. Tout le monde sait qui vous êtes, et chaque réussite ou faux pas est très contrôlé. Comment cela a-t-il affecté ta vie, pour le meilleur ou pour le pire, puisque tu es un père  de famille maintenant ?
Mon garçon de quatre ans sait lire. Je ne veux pas qu’il lise des choses négatives sur moi, parce que mes enfants ont une vision très claire et précise sur la vie en général. Cela me touche négativement parfois, parce que pendant longtemps, mon garçon me traitait de « Life Guinea », et je n’aime pas ça. Parce que c’est ce qu’ils entendaient tout le temps. Et je pense que, dans ce que l’on appelle la célébrité, vous êtes beaucoup plus observé qu’une personne lambda. Quelque chose d’une importance mineure pour quelqu’un, prendra des proportions énormes pour vous.
Y a-t-il quelque chose que les médias ont mal interprété, que tu voudrais clarifier ?
Non, pas vraiment. Peu importe ce que les médias disent, ils le disent. J’essaie de passer à coter de ça.
Au risque de poser une question évidente, je suis curieux de savoir l’origine de ton nom de scène : Lyfe. Il va sans dire que ta musique parle de divers aspects de la vie. Mais l’as-tu créé, ou quelqu’un te l’a donné ?
Eh bien, auparavant, mon nom de scène était « Music for Lyfe ». Mais, les gars en cellule m’ont dit que c’était trop long. Ils ont juste voulu Lyfe car ce sont des situations dont je parle. La plupart de mes chansons traite de certains aspects de la vie. Voilà d’où mon nom vient.
Étant donné que toutes tes chansons sont le reflet de la vie et de tes propres expériences, y a-t-il une chanson qui tient une place spéciale dans ton cœur ?
Oui, mon nouveau single, « If I Knew Then What I Knew Now”. Cette chanson ne résume pas seulement ma situation actuelle, mais aussi beaucoup de situations passées.

Quels autres aspects de la vie abordes-tu dans ce nouvel album et dont tu n’avais jamais parlé sur les trois premiers ?
Sur le single « If I Knew Then What I Knew Now »: la réflexion. J’ai une chanson dans cet album qui s’appelle « Done Crying ». C’est comme quand tu as peur dans une situation. Il y a aussi une chanson appelée « Vogue ». J’ai fait une chanson extraite de ma performance à Apollo – puisque je n’en ai fait que la moitié. Je l’ai mise dans l’album pour les vrais fans. J’ai une chanson d’Anthony Hamilton appelée « Momma ». Elle parle de toutes les années où vous décidez d’écouter ou pas votre maman, et une mauvaise situation survient. Vous regardez en arrière et vous comprenez que votre maman avait raison [rires]. Il y a pas mal d’autres perles dans cet album !