TIGHT EYEZ & GRICHKA – LES GUERRIERS DU KRUMP – INTERVIEW

Le Krump est un monde vraiment à part, on ne peut pas le nier. Il est arrivé tel un ras de marrée grâce au film Rize de David LaChapelle. On y découvre cette danse encore inconnue et ses acteurs venus de South Central, un quartier difficile de Los Angeles, qui dansent le Krump pour évacuer tout le négatif de manière positive. Le Krump, une danse souvent critiquée et encore incomprise, cache pourtant un réel état d’esprit et des adeptes qui vivent et respirent Krump. Rencontre avec Tight Eyez, son créateur et Grichka, une figure principale du mouvement français qui vont tout deux nous emmener dans leur univers 100% Krump.

ITW de Tight Eyez

Parle nous un peu de toi.

Je m’appelle Tight Eyez, j’ai 27 ans et je suis le créateur du Krump. Je donne des stages, je participe à des battles et je vis pour faire évoluer le mouvement Krump.

 Le film Rize a amené le Krump aux yeux du grand public. Croyais-tu au succès du film dès le départ ?

Nous n’avions aucune idée que le projet serait aussi important. Alors que je m’entraînais un jour comme un autre, j’ai reçu un appel pour aller à un battle qui avait lieu entre des crews de Krump à l’époque et je n’avais pas d’autres détails, personne n’en avait. On avait l’habitude de ces battles mais là on ne savait pas trop en quoi cela consistait, où il aurait lieu et qui serait là. Je ne m’attendais vraiment pas à ce succès car normalement les films de danse ont plusieurs styles de danse, un scénario et des acteurs principaux confirmés. Ce succès a surpris tout le monde. Nous étions juste des jeunes de la Street qui ont finit dans un gros film.

Ayant participé à l’émission America’s Best Dance Crew, était-ce facile de mettre l’aspect chorégraphique au Krump ?

Cela paraissait bizarre au début car le Krump est du freestyle et nous étions complètement encastrés dans notre freestyle. Mais on s’est rendu compte que pendant nos sessions nous faisions parfois les mêmes mouvements sans le savoir donc on a su qu’on trouverait un moyen de chorégraphier le Krump. Par contre, nous ne savions pas comment nous allions faire pour garder un aspect de notre freestyle dans ces chorégraphies.

En voyant l’importance qu’a pris le Krump, comment te sens-tu quand tu te dis que tu as crée tout ça ?

C’est un fardeau mais en même temps j’en suis vraiment content. Ca s’est développé vraiment très rapidement et ça a affecté beaucoup de monde. Même si je ne peux pas, j’aimerai tous les connaître, savoir ce qu’ils pensent, comment ils sont arrivés dans le Krump, ce qu’ils ressentent ou ce qu’ils voudraient faire du Krump. Je pense beaucoup à tous ces gens ou à ce que je pourrai faire en plus pour montrer aux autres ce que nous avons en réserve et c’est donc assez dur. Mais en contrepartie tout ceci est une très bonne chose car avant le succès du Krump, nous n’avions en fait aucune idée de ce que nous avions entre les mains. C’est irréel, je ne sais pas trop quoi penser ou comment le gérer. C’est une grande responsabilité.

Qu’est-ce qui te motive pour faire évoluer le Krump ?

Les gens tout simplement ! Etre impliqué, voir de nouvelles têtes, l’animosité, l’ennemi qu’on peut avoir… Pour moi, le plus important reste les personnes qui poussent le mouvement dans la bonne direction. Quand on les regarde, on sait qu’on ne peut pas les arrêter.

Qu’est devenu le Krump avec les années ?

Le Krump ressemble à ce dont il aurait dû ressembler dans le film. Le film n’était que les premières couches du développement et ça a pris beaucoup de gens de la Street pour le faire avancer et pour prendre le temps d’apprendre les fondamentales et les bases. Maintenant on peut enseigner le Krump à des gens qui n’avaient jamais Krumpé de leur vie. L’expérience a été dingue pour moi, allant de Rize à où j’en suis aujourd’hui. Il y a eu beaucoup de travail.

Que penses-tu du niveau du Krump en France ?

La France est le meilleur endroit pour le Krump avec les Etats-Unis. A Los Angeles tout devient une question de territoire et de pouvoir; les gens veulent avoir des places importantes. On a ce phénomène un peu partout mais ici en France on ressent l’âme du mouvement: les sessions, les battles, le ressentit, la famille et le plus important reste la famille.

Qu’attends-tu des années à venir ?

Je voudrais ouvrir une école de Krump. Il y a des écoles qui enseignent le Hip Hop et j’aimerai donc qu’il y ait une école de Krump qui enseigne vraiment le Krump où nous pourrons aussi avoir nos producteurs de musique et nos créateurs de vêtements. Nous avons notre propre culture et je veux créer un point de repère.

Comment t’es venu l’envie de produire de la musique ?

Je sais à quoi le Krump ressemble et comment il doit sonner. Je sais ce que je veux entendre, je sais quel type de musique est nécessaire pour une session ou pour un battle. Je passe tellement de temps dans le Krump que j’ai naturellement commencé à faire de la musique. Et cela permet de montrer ce qui se passe dans la tête d’un Krumper mais d’une autre manière que la danse.

Crois-tu que tout a une raison d’être ?

Oui parce que je suis persuadé qu’il y a un plan directeur impliqué. Il y a quelque chose de plus grand que nous qui travaille dans les coulisses. Je crois que des personnes sont choisies pour aider d’autres personnes. J’ai peut-être été choisi pour avoir une influence sur sa vie (pointe en direction de Grichka) tout comme lui aura une influence sur une centaine de personnes par la suite. Tout fait partie du plan.

ITW de Grichka

Parle nous de toi et de ton parcours.

Je suis Grichka aka Monsta NY Madness, danseur depuis tout petit avec ma maman comme professeur de danse. J’ai pratiqué beaucoup de styles différents comme le Classique, le Jazz, le Contemporain, l’Afro et le Hip Hop. Le Krump est arrivé dans ma vie il y a presque 7 ans maintenant par le film Rize. J’ai ensuite donc décidé de partir aux US à la source, à Los Angeles pour rencontrer les personnes du film dont Tight Eyez et les autres acteurs du mouvement et depuis je suis impliqué dans le Krump. J’ai mon groupe ici, ma propre famille et j’essaye de développer le mouvement.

En tant qu’acteur principal du mouvement Krump en France, es-tu satisfait de l’évolution du Krump en France?

C’est vrai qu’on a commencé avec peu de personnes. Aujourd’hui le nombre a vraiment augmenté et les gens sont de plus en plus engagés et inscrits dans ce mouvement. Ils le prennent à cœur et au sérieux. On voit un changement, on sent une énergie différente et qu’il y a un vrai désir de pousser cette nouvelle énergie. Il y a une envie de prouver aux autres danses de rue, comme le Hip Hop, qu’on a notre propre histoire.

Y a-t-il encore du chemin à faire? La France a-t-elle totalement accepté le mouvement?

La France a-t-elle accepté le mouvement Krump ? Non ! Pas encore. Il y a encore beaucoup de gens qui par manque de connaissances ou qui par ignorance, sont encore dans la moquerie de cette danse qu’ils ne comprennent pas. Nous, danseurs, nous avons encore énormément de chemin à faire. C’est pour cela que Tight Eyez était là avec nous à Paris. Comme j’ai la chance de partir aux US depuis 5-6 ans, je connais pas mal de monde là-bas, je connais l’histoire et je sais comment ça se passe mais au jour d’aujourd’hui, on a encore beaucoup de choses à apprendre en France sur le mouvement et sur nous-mêmes, danseurs de Krump. On est à 10% ici ! Le Krump a 5 ans, ça fait 2-3 ans que ça commence à se développer, c’est jeune.

Que penses-tu du niveau des Krumpers en France?

C’est sûr qu’on est moins nombreux mais il y a de vraies identités en France. Et c’est la force de la France, comme dans la culture Hip Hop, qu’il y ait des gens qui essayent de mettent en avant leur propre style. L’était d’esprit là, l’état d’esprit de battle est là et l’était d’esprit de sessions est là. L’état d’esprit Krump a été compris en France et il est bien enseigné à nos successeurs étant donné qu’on en est déjà à la troisième voire peut-être même à la quatrième génération.

Comment cela se passe-t-il concernant le Krump et les événements de danse?

Il faut savoir qu’il y a des évènements Krump presque toutes les semaines. Le Krump se fait par lui-même. Surtout qu’au début on se moquait de nous car nous étions encore nous-mêmes dans l’essence de cette danse et quand le gens ne comprennent pas, il y a une distance qui s’installe. Le Krump n’a pas besoin de l’évènement Hip Hop pour construire ses battles ou ses sessions. Mais c’est vrai qu’on essaye de faire connaître les évènements mais les gens n’y prêtent pas attention. Et pour être honnête, aujourd’hui les évènements sont diffusés mais ils passent inaperçus auprès du public. En ce qui concerne les évènements Hip Hop, le Krump y est de plus en plus ; c’est bien ! Sauf que les règles sont différentes et même dans notre façon d’être il y a des choses qui ne passent pas encore dans les évènements Hip Hop. Mais quand on sent qu’il y a une reconnaissance et que notre place est autant respectée que celle des autres, alors ça fonctionne. Quand on a une place à part entière et qu’on est respecté, le dialogue peut commencer.

Quelle est la suite pour toi ?

Perfectionner notre mouvement, le diffuser et essayer de ramener les gens et surtout ceux de la culture à laquelle on est « associé » qui est la culture Hip Hop. Les Krumpers vont très souvent aux évènements Hip Hop et depuis très longtemps donc on aimerait qu’ils viennent à leur tour nous voir dans nos évènements et dans notre atmosphère car ça n’a rien à voir. Même quand un Krumper va danser dans un évènement Hip Hop, ce n’est pas du tout pareil qu’un évènement Krump avec l’esprit Krump. On trouve bien sûr des points communs car ce sont des cultures de la rue mais quand on est dans notre espace d’expression, on est Krump. Toute personne pourra encore mieux comprendre le Krump en nous voyant à 100% dans le Krump.