UNE CONVERSATION X BIGFLO ET OLI

Bigflo et Oli ce sont les toulousains qui remuent la scène du rap français. Les deux frères sont plongés depuis leur plus jeune âge dans la musique, notamment grâce à un papa chanteur de salsa. C’était pour eux une évidence de se lancer dans une carrière musicale et ils ont eu raison puisque jusqu’ici c’est une véritable réussite.

Depuis leur premier clip sorti en 2005, les jeunes rappeurs ont fait un sacré bout de chemin. Après avoir enchaîné les Rap Contenders, les premières parties de Sexion d’Assaut ou encore avoir partagé la scène avec Orelsan, IAM et 1995, ils ont sorti leur premier album La Cour des Grands en 2015. Celui-ci est aujourd’hui disque de platine, une aubaine pour les frères qui ont su malgré tout garder une belle authenticité et les pieds sur terre.

Ils nous le prouvent d’ailleurs avec leur second album sorti le 23 Juin : La Vraie Vie. Sur ce projet qui parle beaucoup plus d’eux que le précédent, ils collaborent notamment avec des grands noms tel que Stromae, Busta Rhymes ou encore Joey Starr. Bigflo et Oli se livrent sur vie, leurs expériences, tout en gardant le même créneau atypique et sincère de leur premier album. Finalement c’est peut-être ça le secret de la réussite.


On a eu aussi l’exemple de notre père, qui a vécu une vie assez humble, qui est intermittent et qui galère un peu à trouver des dates. Tout ça ça nous remet un peu en place en mode on a vraiment beaucoup de chance. Faut en profiter mais pas se croire au dessus.


On a eu la chance de les rencontrer et de discuter avec eux en toute simplicité :

Vous avez commencé la musique super jeunes, votre père est chanteur de salsa…C’était une évidence pour vous de faire carrière dans la musique du coup ou vous aviez envisagé autre chose pour votre avenir ?

Oli : On a jamais envisagé de faire autre chose en fait

Bigflo : C’était une pure évidence, un chemin qui était déjà tracé, il était pas question de faire autre chose

Oli : Tout le monde dans notre entourage savait qu’on allait finir musiciens, sur et certain. C’est pour ça d’ailleurs, sans prétention ils s’attendaient peut-être pas autant, mais le fait qu’on fasse de la musique et qu’on en vive ça étonne personne dans notre famille ou dans notre entourage parce que tout le monde se disait “bon eux c’est sur qu’ils vont en faire”.

C’était tracé en quelque sorte ?

Bigflo : On jouait d’instruments depuis tout petits, on inventait des chansons, on faisait des spectacles, on voulait toujours se montrer, on montait sur scène dès qu’y en avait une…Donc c’était un peu tracé ouais.

Comment se répartissent les rôles entre vous ? Comment votre duo fonctionne ?

Bigflo : Moi je fais les prod en général, je fais les instrus. Oli trouve les refrains, on écrit chacun de notre côté mais on se donne beaucoup d’avis l’un sur l’autre. C’est très complémentaire comme travail, on a chacun nos forces et nos faiblesses mais la faiblesse de l’un est aidée par la force de l’autre en général. C’est une espèce de balance très précise qui marche bien quoi.

Et ça vous arrive de vous engueulez quand même parfois ?

En chœur : Ah ouais ouais !

Oli : On s’engueule tous les jours pour des trucs de frères, puis comme on est assez stressés on se renvoi un peu le stresse et on finit par s’engueuler. Au final vaut mieux qu’on s’engueule entre nous qu’avec d’autres gens parce que tous les deux c’est vite oublié.

Bigflo : Mais on s’engueule jamais pour des problèmes de fond. On s’engueule pour une phrase à mettre sur un post facebook, on s’engueule por…

Oli : Por ? pour, on s’engueule pour… (rires)

Bigflo : Voilà ou pour ce genre de choses par exemple (rires)

Dans La Vraie Vie que vous venez de sortir vous parlez vachement plus de vous, de votre vie. Pourquoi ce changement par rapport au premier album ?

Bigflo : Parce que on était très pudiques sur le premier

Oli : Et on a mis du temps à comprendre que ça pouvait intéresser et toucher les gens. Sur le premier je pense qu’on avait assez raison, comme on était pas du tout connus, parler de nous, de notre histoire, ça aurait pas été…

Bigflo : Je pense pas qu’on avait raison ou pas raison, je suis pas d’accord avec toi

Oli : Si je pense qu’on avait raison, un mec que tu connais pas qui monte sur scène et qui te dit “j’ai grandis là” tu t’en fou un peu quoi.

Bigflo : Et puis on se l’interdisait à nous même, de parler de notre vie c’était un peu bizarre. Comme on venait d’arriver on voulait pas trop en dévoiler et on pensait que ça intéresserait personne en plus.

Vous faites passer le message que vous êtes toujours des gars normaux, même avec le succès. Qu’est ce qui vous aide à garder les pieds sur terre ?

Bigflo : C’est le fait par exemple de toujours vivre à Toulouse. Donc chaque fois que c’est la fin d’un tourbillon, ou qu’on est venu quatre jours à Paris pour faire des interviews etc…on rentre à Toulouse et on retrouve les mêmes potes, les mêmes endroits. En fait on est jamais parti, on part souvent mais on est jamais vraiment parti.

Oli : Moi je pense au delà de ça, ça vient aussi de l’éducation qu’on a eu. On sait que ça peut être superficiel et éphémère, c’est que de la musique, au final c’est que de l’image un peu tout ça.

Bigflo : On a eu aussi l’exemple de notre père, qui a vécu une vie assez humble, qui est intermittent et qui galère un peu à trouver des dates. Tout ça ça nous remet un peu en place en mode on a vraiment beaucoup de chance. Faut en profiter mais pas se croire au dessus.

Sur cet album vous avez bossé avec Joey Starr, Stromae, Busta Rhymes. C’est quand même des grands noms de la musique, qu’est ce que ça vous fait aujourd’hui d’en être arrivés là ?

Bigflo : Ah ça fait vraiment bizarre !

Oli : On réalise pas trop je crois.

Bigflo : Comme disait Sully Sefil “Ca fait bizarre”, c’est une chanson d’ailleurs qui nous a beaucoup inspiré pour cet album.

Oli : On réalise pas trop en fait. Moi je réaliserai jamais je pense, sauf peut-être si on les fait en live avec eux, mais j’ai pas l’impression d’avoir Busta Rhymes sur l’album. Pourtant je sais qu’il y est hein mais j’ai pas l’impression non plus d’avoir vraiment bosser avec Stromae. Pour moi c’était un sosie ou un faux. Mais du coup c’est quand même une énorme fierté, on s’en rend compte quand on croise les gens et tout, c’est assez fou ce qui nous arrive sur cet album au niveau des collaborations.

Vous avez aussi fait un feat avec votre papa, il a dit oui tout de suite ou il a fallu le convaincre ? 

Bigflo : Ah non au contraire !

Oli : Non c’est l’inverse (rires)

Bigflo : Ça a été dur de nous convaincre parce que lui il voulait vraiment faire un son et il nous harcèle depuis des années pour qu’on en fasse un. Mais pour nous comme c’était lui un peu la star quand on était petits, on en avait un peu marre d’être comparés à lui, on voulait pas. Et puis y avait le côté latino qu’on savait pas trop comment mélanger à notre style. Donc c’est vrai que sur le premier album il voulait absolument avoir un morceau et on lui a dit “Non Papa franchement là on sait pas, on a pas d’idées et c’est pas le moment”. Et puis on a grandi on s’est rendu compte que c’était une chance et on lui a dit “Ça y est Papa on est prêts”.

Et ça s’est bien déroulé après dans la production ?

Oli : oui oui super !

Bigflo : Et puis on lui a pas vraiment laissé le choix parce que sinon voila (rires) C’est un artiste latino, on lui a dit “tu chantes ça, là et comme ça” et il était d’accord, il a chanté.

Oli : Il voulait faire plus, changer des trucs mais on lui a dit de nous faire confiance.

Bigflo : Il a fait venir son groupe de Salsa en fait, c’est ses musiciens avec lesquels il tourne, qui jouent toute la fin du morceau.

Dans le titre La Vraie Vie vous revenez sur le fait qu’Orelsan vous ai refuser le feat, alors qu’il était guest sur Pourquoi pas nous ? , il a donné une explication ?

Bigflo : Ouais il nous a donné une explication, sincère mais un peu dure. Et du coup voilà je voulais en parler. Mais en fait je le vois plus comme une histoire de déception de fan, que comme un clash en fait. C’est plus de l’amour que de la haine finalement.

Vous avez beaucoup voyagé pour le clip d’Alors alors, j’imagines que vous avez pas eu le temps de faire du tourisme mais c’est des pays qui vous tenaient à cœur ?

Oli : Non on a pas trop eu le temps

Bigflo : Un petit peu mais du tourisme forcé quoi on va dire. Genre vraiment express. Mais déjà on voulait des lieux qui soient vraiment très différents des uns des autres et qui dépaysent. Le Japon forcément c’est est pays qu’est hyper influent en France, je voulais le voir de mes yeux, par rapport aux mangas que j’ai pu regarder, aux jeux vidéo. New-York on connait très bien, c’est une de nos villes préférées, c’est la où on a enregistré l’album donc ça nous semblait important aussi. Et Dakar parce qu’on était jamais allés en Afrique, en tout cas dans la partie sud et on voulait voir quoi. On en entendait beaucoup parler.

Oli : Et puis c’était cohérent avec les textes et ce qu’on dit dans ce morceau là. Du coup voilà on a choisi ces trois pays mais on aurait aimé en ajouter plus. Mais on est assez contents, c’était énorme comme voyage, hyper fatiguant mais on est hyper content des images. C’était énorme.

Je reviens aussi sur le son que vous avez fait pour la Bo de Brice de Nice. C’est arrivé comment ? et ça s’est passé comment avec Jean Dujardin, c’est lui qui est venu vers vous ou vous vers lui…?

Bigflo : On faisait l’émission C à vous sur France 5 et il était invité. On a fait les crevards et on lui a donner un album et on lui a demandé de l’écouter en rentrant. Et il l’a fait, il l’a vraiment écouté.

Oli : Et le soir même y a eu un post facebook avec un pouce !

Bigflo : On était comme des oufs on s’est dit “ça y est y a Jean Dujardin il nous keaf”. Et trois mois après on a reçu un mail de Gaumont “Salut voila on pense à faire un son pour la Bo de Brice de Nice, on sait que vous êtes fans, que vous en parlez dans vos textes” parce que j’avais mis un référence “vous avez rencontré Jean, est-ce que ça vous dirai ?”. Et nous on a dit qu’on était chauds, seulement si Jean acceptait de rapper avec nous.

Oli : Donc là les mecs étaient choqués de notre réponse (rires)

Bigflo : Et Jean lui il était pas choqué du tout, il a dit “Ouais moi je suis chaud on y va” direct. C’est simple.

Oli : Du coup on a appris ensuite que ses enfants étaient assez fans donc je pense que ça nous a un peu aidé aussi. Et on a été en studio avec lui, c’est un souvenir énorme. On lui a écrit les couplets, il s’est mis à fond pendant quatre heures sur le morceaux, il a modifié ce qu’il voulait…C’était vraiment énorme quoi. C’est un mec qui mouille le maillot, il a vraiment donné le maximum c’était pas juste un truc de marketing.

Bigflo : Je pense que y en a beaucoup qui pensent que peut-être ils nous ont payé on a dit ok et voilà. Alors que c’était pas du tout ça. Aujourd’hui on s’envoie encore des textos, on se tient au courant, c’est vraiment quelqu’un de super bienveillant.

Oli : Et c’est une belle leçon d’humilité aussi parce qu’on en a vu d’autres beaucoup moins connus et talentueux, et être beaucoup moins accessibles et sympa.


On est pas complexés, on a zéro complexe. C’est à dire qu’on cherche pas une posture cool, d’être bien habillés, de connaître tous les rappeurs par cœur.


A votre avis qu’est ce qui vous différencie des autres rappeurs actuels ?

Bigflo : On est pas complexés, on a zéro complexe. C’est à dire qu’on cherche pas une posture cool, d’être bien habillés, de connaître tous les rappeurs par cœur. On s’en fou quoi, on est comme on est, on le dit. Je pense que c’est la grande différence avec les autres, on est complètement décomplexés dans notre art.

Oli :Y a aussi une forme de sincérité, je dis pas que les autres sont pas sincères hein, mais je pense qu’on joue moins un personnage que certains. On sait que y en a beaucoup qui change de personnage, de discours. Nous on essaye d’être constants, d’avoir nos valeurs et de pas les lâcher.

Du coup c’est quoi la suite ? vous bossez déjà sur un projet ou vous prenez un peu le temps là ?

Bigflo : On est déjà sur des projets oui, on a pas mal d’idées…

Oli : Et des morceaux même.

Bigflo : Oui des morceaux déjà en stock pour la suite. Et en fait chaque nouvelle réussite en amène une autre. Par exemple le fait qu’on ai fait C à vous avec Jean Dujardin, le fait qu’on ai bosser avec lui amène d’autres choses etc…Et ça fait comme un espèce de puzzle qui s’enchaîne et pour l’instant ça n’arrête pas donc on profite. Un jour ça s’arrêtera comme je le dis dans La Vraie Vie et quand ça arrivera on sera contents de ce qu’on a fait.

Oli : On aimerait bien déjà refaire des morceaux, voir ce qu’on en fait. Et peut-être écrire pour d’autres gens ça serait l’objectif d’après

Bigflo : Ouais et même produire des artistes, on a toujours aimé ça découvrir des artistes au tout début et les voir réussir et tout. Pourquoi pas monter un label, mais on a le temps on est jeunes. On s’occupe pour le moment de nous et après on verra.

Oli : Et puis surtout faire connaître cet album au maximum, viser un public qui nous connaît pas et qui écoute pas forcément de rap. C’est vraiment l’objectif premier pour le moment.


Photos : @Julien_Gremm

Remerciement à Nina Veyrier (Polydor)