Bakari est un artiste belge, né au Congo, il a grandi au Rwanda, à Kigali, avant d’arriver à Liège, sa ville actuelle. Cette année il nous a embarqué avec lui dans son univers sans équivalent où les envolées mélodiques empruntent à la variété, à la rumba congolaise et tranchent avec la profondeur de ses récits. Aujourd’hui il vient de sortir la triologie « Sur Écoute », à cette occassion, nous l’avons rencontré lors de son espacade parisienne.
Tu es venu du Rwanda étant jeune, comment s’est fait la transition entre là-bas et Liège ?
Etant donné que j’étais petit, je n’ai pas eu un réel choc. Je savais que je débarquais dans un endroit qui m’était inconnu, mais à cette époque là, on considérait l’Europe comme un paradis, mais en arrivant je me suis rendu compte de ce qu’était la « vraie vie », et que c’était différent de l’idée que je m’étais faite. Mais pour autant, je n’ai jamais oublié ma vie au Rwanda. C’est avec le temps que je me suis rendu compte de la réelle différence, que ce soit au niveau des gens ou de la façon de vivre. J’ai compris que le fait de venir ici, je ne devais pas le voir comme une « cassure », mais plutôt comme une richesse, parce que grâce à ça, je me suis retrouvé devant des endroits et des gens venant de tout horizons. La vraie richesse c’était de savoir s’adapter aux différents types d’environnement, peu importe où j’allais.
Comment as-tu commencé la musique ?
A la base, moi j’étais mauvais à l’école. J’étais bon qu’en sport et en français. J’aimais écrire parce que grâce à ça je pouvais m’exprimer. Mais à cette époque là, c’était juste pour le kiff. D’ailleurs, le premier texte que j’ai fait, c’était pour un pote à moi. C’est en le voyant faire un son, que je me suis rendu compte que je pouvais être capable de faire plus qu’écrire : je pouvais rapper. J’avais la possibilité d’enfin parler avec mes propres moyens.
Aujourd’hui tu es écouté par de nombreuses personnes, comment te situe toi-même par rapport au rap ?
Pour moi, j’en suis encore à la période d’essai. En 2018, je me rends compte que je ne me vois pas travailler dans les bureaux. Je me suis posé avec mes potes, et on s’est dit « qu’est ce qu’on fait maintenant ». A cette période là, il fallait que je fasse des choix, alors je me suis dit que je pouvais en faire quelque chose d’intéressant, et je me suis lancé. Après ça, j’ai sorti mon premier projet « KALEIDOSCOPE ».
C’était comment de rapper avant 2018 ?
Quand j’étais plus jeune, je rappais déjà mais c’était pas du sérieux, je pouvais rapper non stop pendant une semaine et m’arrêter pendant des mois. J’avais pas d’objectif en soi appart aimer ce que je faisais. A Liège, il y avait une maison de Jeune, et c’est là-bas que tous les gens du quartier enregistraient, moi aussi.
Qu’est ce que ça t’a apporté d’avoir autant voyagé ?
Pour certains, j’ai énormément bougé, mais pour d’autres, c’est quelque chose de normal, donc déjà j’ai un peu de mal à me situer par rapport à ça. Mais, le fait d’avoir bouger, ça m’a beaucoup apporté autant humainement que dans la musique. J’ai pu tirer mes influences de différents horizons, de différents styles de musique ou même d’endroits. Je pense que ça c’est une réelle chance parce que rester au même endroit, ca m’aurait fermer l’esprit, dans le sens où j’aurais surement pensé que la réalité se réduisait à ce que j’avais sous les yeux tout les jours, alors que y a bien plus, y’a pas que ça. Même au sein de Liège, je connais tout le monde, et ça déjà ça ouvre l’esprit. Honnêtement, on se rend pas compte de tout ce que les gens peuvent t’apporter. Quand je « vendais », ça m’arrivait de finir plus tôt que prévu, de me retrouver avec un « iencli », s’asseoir et discuter, et rien qu’à ce moment-là, c’était vraiment enrichissant. C’est deux humains qui cherchent à se comprendre.
Est-ce que tu peux nous parler de ton rapport à l’image et à ton univers visuel ?
J’aime bien allier le fond et la forme. J’ai envie de créer un univers où je peux tirer les gens dedans, que ce soit via la musique ou les clips. Ca permettrait de pas simplement consommer la musique, mais de se retrouver réellement dans un univers particulier où on aura choisit d’être. C’est encore une autre façon d’exprimer ma pensée, parce que les idées que je mets en place pour les clips, c’est des choses qui sortent de ma tête.
Et puis je pense que le cinéma est un monde que j’aimerais voir. D’ailleurs, les trois covers sont des reconstitutions de différents moments de la série « The Wire ». Même le nom du projet fait référence à ça, c’est le nom français de la série. L’univers visuel qui s’ajoute au son c’est quelque chose que j’aime. Des fois j’me cale devant l’miroir et j’fais des trucs, j’me dis « vas y t’es chaud, tu pourrais faire un bail dans ça », donc je pense que je serais pas contre le fait de découvrir cet art.
Selon toi, quel est le son qui représenterait le mieux Bakari ?
Le son qui représenterait le mieux Bakari, c’est « Sans-EU ». C’est un morceau, j’aimerais ne pas l’avoir écrit, pour mieux pouvoir le savourer. J’aurais aimé le découvrir, comme quelqu’un qui ne l’avait jamais entendu avant. Y a des sons quand tu les fait, des fois, tu t’dis, « gros, t’es chaud de ouf », Sans-EU, il fait partie de ce genre de son. Même si c’était pas moi qui l’avait écrit, je l’aurais aimé pareil, voir encore plus.
Quel est ton rapport à ton public ?
J’ai pas encore fait de scène seul, où les gens viennent uniquement pour venir me voir, donc je peux pas vraiment répondre à cette question. Mais sur les réseaux, j’essaie de discuter un maximum avec ceux qui m’écoutent. J’préfère savoir qui m’écoute, discuter avec cette personne, savoir ce qui nous lie, plutôt que de simplement prendre une photo avec lui tu vois ?
Les réseaux me permettent de me retrouver sur ce banc à discuter avec quelqu’un qui aime ce que je fais. Toi et moi on se connait pas, mais je fais un truc qui a réussi à te toucher. Sans qu’on se connaisse, sans être présent au moment où j’ai enregistré, sans avoir vécu ce que j’ai pu vivre, t’as réussi à me comprendre, comprendre mes émotions, comprendre ce que je voulais exprimer à ce moment.
Ce que j’aimerais savoir c’est connaître ce qui nous lie, pour ça il faut apprendre à se connaître. Et pour moi, un concert, ce serait un truc de ouf. Ça veut dire qu’il y a quelqu’un, qui habite peut-être à deux heures de là ou se trouve la salle de concert, qui a bloqué un moment pour toi, qui a pris sa journée pour toi, pour voir ce que tu fais et aimer te voir sur scène. J’trouve que c’est un truc de ouf !
D’où vient cette volonté de travailler autant les mélodies ?
Dans la vraie vie, j’suis toujours quelqu’un qui sourit, qui s’adapte. Dans ma musique ça se ressent aussi. Dans le fond, il y a des choses qui sont dures, mais tranquille y a rien. Avec autant de mélodie dans mes sons, c’est un peu plus compliqué de toucher les gens. Quand on voit ma dégaine, on s’attend à ce que je fasse quelque chose de différent. C’est peut être ça qui fera que ça prendra du temps à ce que plus de gens aiment. C’est pas un style de musique, qui est facilement accessible, donc quand tu sera là, quand t’auras compris où je veux en venir, ce serait parfait. J’préfère une fan base qui comprend et qui veut rester sur le long terme, plutôt qu’on consomme ma musique parce qu’elle ressemble à celle des autres et que ça se finisse au moment où la hype sera passer.
D’où est ce que ça vient cette façon de rapper ?
J’ai tout pris de partout. J’ai eu plusieurs influences, j’ai côtoyé plusieurs types de personnes, et ma musique est le reflet de ce que je suis en tant qu’être humain. Quand on me voit, on appréhende la personne que je peux être, alors qu’en réalité j’suis différent de ce dont à quoi on s’attend. Donc en ça, je trouve que c’est normal que ce contraste fasse aussi partie de ma musique.
Que représente la saison 3 de « Sur écoute » pour toi ?
La saison 3 c’est la fin du début, cette série était là pour montrer qui je suis. Maintenant, j’veux m’ouvrir, tout en restant terre à terre. On va plus creuser, tout en restant moi.
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