SHY’M – NOUVEL ALBUM « AGAPÉ » – « C’EST LA PREMIÈRE FOIS QUE JE PARLE AUTANT DE MOI »

Ojoz

Shy’m nous a accordé de son temps pour revenir sur la conception de son dernier album « Agapé », sorti vendredi dernier. La chanteuse dont les projets précédents se situaient à chemin entre R’n’B et Pop a collaboré avec des artistes de la scène urbaine pour son nouvel opus. Ses featurings avec Jok’air, Vegedream, L’Algérino, Chilla ou encore Youssoupha témoignent de son ouverture musicale et lui ont permis de donner un nouvel élan à sa carrière déjà riche en succès. Dans « Agapé », la belle martiniquaise s’est livrée sur son rapport à la célébrité , sur l’amour et sur sa vision des mœurs actuelles de la société.

Bonjour Shy’m. On est super content de te recevoir à Da Vibe. Ton album Agapé vient de sortir aujourd’hui, as-tu eu des premiers retours de fans ?

Oui. Je suis allé sur internet forcément et je n’ai pas pu m’empêcher ce matin d’épier Instagram et twitter. Je crois que les fans sont contents, j’ai l’impression (rires). C’était un moment attendu depuis hyper longtemps. C’était très étrange hier de se dire toute la journée que le soir même l’album allait sortir et allait ne plus m’appartenir, je donnais mon bébé. C’est sûr que quand c’est dehors, que les gens l’ont chez eux, on a envie de voir leurs réactions et les réseaux sociaux c’est le moyen le plus efficace et rapide de s’en rendre compte. Donc j’me suis levée et j’ai pris mon téléphone.

On a vu ton compte à rebours précédent l’album sur Instagram. Ressens-tu un soulagement après la sortie ?

Ouais il y a une espèce de soulagement. Parce que jusqu’à ce moment-là on a toujours envie de refaire en tout cas toujours la possibilité de refaire, de réécrire des trucs de rajouter un titre, d’en enlever un autre, de changer des prods. Une fois que le bébé est sorti on se dit « je peux plus revenir dessus ». Donc effectivement on ressent un lâcher pris qui soulage et puis surtout, quand tu bosses un album t’es tellement dans une bulle, t’es tellement avec ton équipe et t’as tellement la boule au ventre que t’as envie d’avoir l’avis des gens et l’avis du public c’est l’avis qui compte, c’est l’avis essentiel. Donc il faut que la sortie de l’album arrive et là on y est et c’est certes le début. C’est dur c’est stressant c’est angoissant mais en même temps j’suis hyper contente.

En écoutant « Agapé », j’ai a eu l’impression que tu t’étais beaucoup livrée, que l’album était très personnel, très intime, presque comme un exutoire. Penses-tu que c’est dans ce sens qu’il faut le recevoir ?

Bien sûr. Je crois que tu l’as reçu de la bonne façon. C’est en tout cas comme ça que je l’ai pensé, comme ça que je le fais, comme ça que tous les artistes qui ont collaboré avec moi l’ont conscientisé aussi. Etrangement c’est la première fois que je collabore avec autant de personnes et que je parle autant de moi. Je n’aurais pas pu le faire avant sans eux. C’est eux qui m’ont donné la force, eux qui m’ont donné les mots et le courage de les accepter, de les assumer, de les chanter de les livrer. Le chemin a été non sans embuche mais les moments où ça a été douloureux ça m’a fait du bien. Donc à partie de ce moment là on se dit qu’il faut le faire.

Ojoz /Alexandre Blondeau

Peux-tu nous parler des collaborations de l’album ? Comment les as-tu choisies, comment as-tu travaillé avec les autres artistes ?

Ce qui est étrange c’est qu’il n’y en a aucun que je connaissais avant. Tout de suite j’ai envie de parler d’« Absolem » avec Youssoupha et Kemmler parce que c’est un titre qui est tellement personnel, tellement intime, tellement brutal et tellement vrai. Youssoupha m’a dit que quand il a posé son couplet il n’a pas réécouté par pudeur. C’est tellement fort de se réécouter, de se réentendre, ça peut être étrange Je crois aussi qu’il a eu peur aussi de ma réaction. Ce n’est pas un ami qui parle de moi, ce n’est pas un proche qui parle de moi mais quelqu’un qui ne me connaît pas et qui doutait donc il peut y avoir un côté un peu dur. Et en m temps j’étais hyper touchée, hyper bouleversée par ce titre et aussi la partie de Kemmler qui représente mon petit ange. J’me suis demandé comment ces deux mecs qui ne me connaissaient pas ont pu poser des mots aussi justes pour moi, sur qui j’étais. Et en fait leur compréhension ça a été comme une preuve d’amour. C’est ça qu’il en reste, c’est que c’est de l’amour. Quand t’es compris par quelqu’un c’est comme un je t’aime.

Est-ce un album qui marque un tournant de ta carrière ?

Dans ma carrière je ne sais pas mais dans ma vie ça c’est certain. Je crois que j’avais besoin de crier qui j’étais pour de vrai entre guillemets et par quelles émotions je pouvais passer. On a souvent le réflexe de penser que dans cette vie la tout est beau, qu’on ne peut pas être malheureux, qu’on ne peut pas avoir de complexes. On a une vie extraordinaire, on a un privilège qui est énorme et pour rien au monde je ne changerai ma vie mais laissez-moi pleurer. J’ai le droit de ne pas aller bien, de ne pas être totalement heureuse. J’ai le droit d’avoir des complexes, j’ai le droit de tout ça parce que je suis humaine avant d’être artiste et c’est cette humanité qui nourrit aussi ma musique.

L’album très intime mais aussi marqué par de l’auto dérision. Tu reviens par exemple sur les épisodes Bercy et Damso. C’est quelque chose qui fait partie de toi cette capacité à se voir et à se moquer de sois même ?

Se foutre de sa gueule ? Ouais (rires). C’est mon trait de caractère, c’est mon tempérament, j’adore l’humour. Je m’entoure de gens qui ont de l’humour, qui arrivent a rigoler des gens, qui arrivent à rigoler deux mêmes. Pour moi on flirte vite avec l’amour dans l’humour et sans ces deux notions là je ne peux pas vivre. C’était important. Quand je dis que l’album est hyper personnel, intime et me dévoile moi c’est une mise à nue sur ce que je peux vivre, sur mes sentiments, sur me émotions mais aussi sur ma personnalité. C’est mis en exergue dans le titre « La go » par exemple et dans d’autres. Dans celle-ci oui la punchline de Damso et celle sur Bercy je me fous un peu de moi.

C’est très intime très à nue et en même temps avec plein d’humour ce qui rend « Agapé » touchant.

Je ne m’étais pas forcément rendu compte avant de travailler sur cet album qu’il y avait des choses que je n’avais pas dites que j’avais un peu laissé dans le flou. J’ai beaucoup parlé d’amour avant, j’ai cru beaucoup parler de moi également mais je crois que c’est toujours rester de façon nébuleuse, par pudeur et par réserve mais aussi parce qu’il faut du courage à dire tout ça. Et je crois j’ai eu besoin de l’aide de tous ces artistes-là : Youssoupha, BRAV qui m’a écrit « Absolem » et « Déteste moi ». J’ai eu besoin de tous ses artistes là. Ils avaient plus de facilité à dire parce que ce n’était pas eux et qu’ils avaient un recul sur ça.

Dans « Du mal », tu reviens sur ta carrière sur tes choix et tes expériences passées. Tu as été très regardée et critiquée durant ta carrière. Comment tu as traversé tout ça ?

J’ai fait du workout (rires) Je crois qu’il faut bien être entourée, je crois qu’il ne faut pas s’oublier aussi et savoir que même les critiques pleines d’amour peuvent faire vriller la tête. Dès le début J’ai créé le pseudo de Shy’m. Je me suis aussi créée sur scène aux antipodes de ce que j’étais dans la vie de tous les jours. J’ai réalisé mes fantasmes féminins de sexy, également d’assurance, sur scène via Shy’m. Dans la vie de tous les jours je ne suis absolument pas comme ça. Je crois justement qu’avoir ses deux personnages, de savoir que ces critiques-là s’attaquaient à elle c’était une façon de ne pas recevoir la flèche et de me dire « Ok ils parlent de quelqu’un qu’ils ne connaissent pas ou de façon tronquée, on ne s’attaque pas directement à moi ». Donc je crois que ça a été une façon de me protéger aussi et de le traverser plutôt bien malgré qu’effectivement il y a  des moments ou c’est un peu plus compliqué parce qu’on est plus fragiles, on est plus faibles et on le met en musique.

Quand tu as commencé il y avait peu de femmes dans la culture urbaine. Maintenant on assiste à un avènement des femmes de couleurs dans les médias. Quel regard portes tu sur ça ?

C’est trop cool. Avant c’était un niant. Je pense aux nanas que j’ai écouté quand j’étais jeune d’ailleurs il y en a avec qui je travaille aujourd’hui comme Kayna Samet. A l’époque il y avait Assia, Wallen. Je suis arrivée après mais elles avaient déjà installé quelque chose. J’ai eu il y a 13 ans la porte un peu plus refermée mais depuis on a Chilla avec qui je bosse aussi. On a Shay, on a pleins d’autres nanas qui sont là et qui représentent la France de façon mixte, la France mélangée et c’est beaucoup plus inspirant. Ça m’ouvre moi aussi beaucoup plus de portes parce que finalement j’ai un miroir d’autres artistes en face de moi qui me permettent d’aller autre part comme moi je leur permets peut-être d’aller autre part également. En tant que femme il y a forcément une fierté en voyant ça. Ce sont des femmes qui ont de la personnalité, qui ont des choses à dire, qui sont un peu badass quoi.

Ojoz

Te vois-tu un peu comme une grande sœur pour cette nouvelle génération de femmes fortes qui s’assument ?

Je ne sais pas si elles ont besoin de grande sœur. Pour avoir rencontré Chilla sur «Olélé », c’est une nana qui sait ce qu’elle fait, elle a une belle assurance, elle a un belle signature et ça c’est déjà hyper important chez une jeune artiste qui débute entre guillemets. Mais non ce sentiment de grande sœur je l’ai peut-être eu quand j’ai présenté « Nouvelle star » où j’accompagnais de jeunes artistes qui voulaient en faire leur métier. Ils avaient 18, 19 ans et et ils sont passés dans une émission incroyable, blindée de monde en casting. C’était des moments qui n’étaient pas évidents et effectivement de pouvoir les rassurer sur ce qu’ils vivaient sur leurs émotions je me suis sentie plus grande sœur.

Peux-tu nous en dire plus sur ta prochaine tournée ?

Ça commence le sept juin a Nantes. On tourne tout le mois de juin, on passe le 22 juin au Dôme de Paris. J’ai quitté ma dernière tournée sur quelque chose de très intimiste, de très personnel et de moins show off on va dire. J’avais besoin de ça pour me prouver des choses à moi-même en tant qu’artiste, de pouvoir être capable de mener le show deux heures en étant seule derrière mon micro malgré la présence de mes musiciens. Là j’ai envie de revenir à mes premiers amours. A l’instar de l’album, d’« Agapé », j’ai envie de retrouver de la danse, j’ai envie de retrouver des danseurs, j’ai envie de refaire le show a l’américaine comme on l’appelle, d’avoir une scène qui en jette. On est en train de travailler sur tout ça en ce moment, on a hâte.

On te retrouve très bientôt sur les routes alors, merci !

Avec plaisir, merci !

Propos recueilli par Assia El Kasmi