UNE CONVERSATION x AMOS LEE | INTERVIEW

Pour ceux qui se demandent encore à quoi ressemble un artiste qui ne danse pas, qui n’a encore jamais joué dans un film, qui ne possède pas de ligne de vêtements, qui n’a pas vraiment eu l’envie de sortir de parfums, un artiste sans artifices, un artiste sans business, un artiste. Pour ceux qui se demandent encore à quoi ressemble un artiste, je leur présenterai Amos Lee, un mec cool qui fait de la musique : de la Soul Music, du Folk, du Blues, du R&B et qui tend parfois aussi vers le Gospel. Et il fait tout ça très bien. Un artiste. Juste l’essentiel. Rencontre avec Da Vibe à l’occasion de son concert au Divan du Monde le 18 novembre avant la sortie de « Mission Bell« , son nouvel album, prévue début janvier.
Peux tu te présenter à nos lecteurs?
 
Oui je m’appelle Amos Lee, je viens de Philadelphie… Et je suis ravi d’être à Paris ce soir!
 
Ton album Mission Bell est très intime et personnel, est ce qu’il est facile pour toi de parler de ta propre vie?
 
A travers mes chansons oui, c’est plus facile que dans la vie quotidienne. J’essaie de m’ouvrir du mieux que je le peux dans mes chansons, ça m’aide aussi.
 
Quelle serait ta plus grande inspiration? L’amour?
 
Je pense que perdre l’amour se révèle être une grande inspiration dans beaucoup de mes chansons. Cela dit, ça dépend, les histoires que j’entends qui concernent d’autres personnes m’inspirent beaucoup aussi. Les personnes qui luttent et qui essaient de faire de leur mieux chaque jour sont beaucoup plus intéressants… En fait leurs vies m’inspirent plus que la mienne.
 
Est ce que tu te reconnais dans leurs histoires?
 
Oui aussi, souvent quand j’écris dans histoires il y a un peu de moi et un peu des autres. C’est comme pour les peintres qui peignent des portraits, ils se dessinent eux mêmes aussi d’une certaine manière.
 
Tu as dis que la chanson “Flower” est le “point de départ émotionnel” de ce nouvel album. C’est une chanson très romantique et pleine de sensibilité, est ce qu’elle illustre une partie de toi même? Est tu quelqu’un de romantique et sensible?
 
Parfois oui, cette chanson est très particulière pour moi, je l’ai écrite pendant une période très sombre de ma vie où je n’allais pas très bien et c’est le pouvoir de la musique qui m’a inspiré pour exprimer le positif en moi. Sans la musique je n’aurais jamais pu arriver à un point de rétribution dans certaines situations, par exemple lorsque quelqu’un souffre mais que tu ne peux pas l’aider. La musique a toujours été un moyen d’exprimer ce genre de sentiments et cela m’a beaucoup aidé à avancer dans la vie.
 
Les chansons “Jesus”, “Stay” et “Out of Cold” parlent de certaines situations dans lesquelles tu as été confronté à la maladie et la mort, est ce que ce nouvel album à un côté plus sombre que les précédents?
 
Je pense qu’il y’a un côté plus spirituel que les autres albums, je pense que les précédents ont un côté sombre aussi mais qui est beaucoup plus subtil et c’est vrai que dans Mission Bell, c’est quelque chose que l’on ressent plus et que l’on comprend mieux. Dans ces chansons, je raconte des histoires personelles qui m’ont beaucoup affecté, tandis que dans les précédents albums il s’agissait seulement de quelques ombres au tableau.
 
« Je raconte des histoires personnelles qui m’ont beaucoup affecté dans cet album« 
Qui a produit l’album? Et pourquoi l’appeller “Mission Bell”?
 
L’album a été produit par Joey Burns du groupe Calexico, on a travaillé ensemble parce que je suis un grand fan et quand on a cherché un producteur on a d’abord eu plein de noms en tête et puis j’ai pensé que ce serait plutôt cool de bosser avec eux en Arizona à Tucson. J’ai voulu appeler l’album “Mission Bell” parce que justement, en Arizona, là où on était, il y avait une grande influence mexicaine et il y a eu beaucoup de missions (cf : des actions de conquête du territoire américain par les espagnols qui cherchaient à coloniser le peuple à travers le catholicisme en particulier), il reste encore de nombreux vestiges de cette époque qui sont très beaux mais le contexte rappelle une atmosphère très triste et sombre, “Mission Bell” évoque la réflection de la beauté même s’il y’a eu auparavant beaucoup de douleur et de souffrance.
 
Parle moi de tes collaborations, tu as travaillé avec tellement de grands artistes, est ce que cela t’as inspiré?
 
Énormément oui, j’étais en studio avec des gens qui ont fait vingt voire une trentaine d’albums. On sent chez eux une grande facilité de compréhension, une grande sagesse que l’on retrouve aussi dans ce qu’ils font. Pour cet album j’ai voulu travaillé avec des gens que j’aime profondément en tant qu’artiste et que je voulais entendre dans mes chansons. Je n’ai pas prêté attention à leurs noms, ni à la notoriété qu’ils pouvaient apporter en étant sur mon album mais j’ai cherché à savoir quel artiste irait parfaitement avec ma chanson. Ça a été comme une révélation d’entendre ces gens chanter sur mes chansons ; ce sont des artistes avec qui j’ai vécu, que j’écoutais chaque jour dans ma chambre, donc de voir qu’ils acceptent de travailler avec moi et qu’ils apprécient ce que je fais est très gratifiant et j’en suis très honoré. Et puis surtout… ça fait vraiment du bien!
 
En revenant en arrière, quel regard portes-tu sur ton évolution depuis le premier album jusqu’à celui ci?
 
Le premier album c’était un peu moi, ma guitare et quelques personnes qui jouent derrière. J’ai essayé d’aller un peu plus loin avec le deuxième album et je pense que dans le deuxième et le troisième j’ai été un petit peu éparpillé mais je pense qu’il y a de très bonnes chansons dans chacun d’eux. Je pense qu’avec celui là j’ai été un peu plus recentré et je pense que la musique de cet album est plus cohérente que dans les précédents. Ceci dit, tout se fait par étape, le premier album, on ne réfléchit pas on fait simplement de la musique, ensuite on a de plus grandes idées, c’est pour cette raison que je pense que quand on choisit de n’avoir qu’une idée on doit faire face à certains challenges… Mais j’adore les challenges, j’aime essayer des choses différentes car cela m’a permis d’évoluer. Toutes ces étapes permettent d’avancer vers autre chose et cet album a bien capturé l’essence de ce que l’on voulait faire.
 
Ta musique est un gigantesque mélange de folk, blues, soul music et parfois de R&B, comment définirais tu ton style?
 
Il n’y a pas de genres pour moi, parce que j’aime tous les styles de musique, j’écoute absolument tout, de la soul, du folk, du hip hop, du gospel, de la world music (peu importe ce que ça veut bien vouloir dire)… Et tout ça m’inspire! Donc quand je pense à quelle musique pourrait m’inspirer je me dis que ça devra être un mélange de tout ça. Mon style se rapporte plus à moi qu’à un genre particulier, je me préoccupe seulement des chansons pas du genre de musique et on se rend compte de tout ça lorsqu’on assiste à mes concerts… Il y’a parfois du blues, parfois des chansons super R&B, parfois même du gospel, on peut appeler ça de l’ “americana” je suppose puisque tous ces styles viennent des Etats Unis.
 
« Mon style se rapporte plus à moi qu’à un genre particulier« 
Toutes les personnes avec qui j’ai discuté de ce nouvel album ont voulu savoir quand as tu prévu de faire un titre avec Norah Jones et pourquoi vous n’avez pas retravaillé ensemble depuis le premier album?
 
Je pense que c’est parce qu’on est occupés tout les deux! Souvent, elle travaille en studio quand je suis libre et l’inverse et puis on est tout les deux tout le temps en tournée. Mais si elle veut bien on le fera, j’adore chanter avec elle, est géniale! Peut être pour le prochain album, pour chanter ensemble ou écrire ensemble, j’aimerais beaucoup… Elle est une très bonne parolière. Quand je l’ai rencontré elle ecrivait très bien mais pas autant de chansons que maintenant, donc je pense que ce serait bien de s’asseoir ensemble et d’écrire.
 
La plupart de tes chansons raconte une histoire, est ce que tu te considère comme étant un story-teller?
 
Je pense que oui, j’essaie de raconter des histoires dans chacunes des chansons. Mon but n’est pas de raconter un histoire à chaque fois mais de faire le portrait d’un personnage dans une situation particulière donc d’une certaine manière je pense que oui, je le suis.
 
La première chanson que j’ai entendu de toi était “Keep it Loose, Keep it Thight” en 2005, je l’ai trouvé magnifique car elle dégage une harmonie parfaite de la première à la dernière seconde. Comment est ce que tu construis un univers unique à chacune de tes chansons?
 
Elles font ça toute seule! Cette chanson à été construite à partir d’une base qui était la guitare et si tu l’écoutes plus attentivement tu verras que la voix imite même la mélodie de la guitare, donc pour celle ci j’ai seulement écouté la guitare et j’ai suivi mon instinct. Tout arrive naturellement.
 
Tu étais en concert jeudi dernier au Divan du Monde. La scène parait être quelque chose de très important pour toi…
 
Je pense que c’est vraiment génial d’avoir la chance de venir ici à Paris et de faire un concert, c’est incroyable, c’est une grande opportunité pour moi… Et de savoir que des gens veulent venir écouter mes chansons, c’est un rêve devenu réalité. Je n’aurais jamais eu l’occasion de partager quelque chose à l’autre bout du monde si j’avais eu un métier normal. Maintenant j’ai la chance de venir dans une ville incroyable et j’ai l’occasion de rendre tout ce bonheur aux gens, c’est pour ça que je suis là et c’est aussi pour ça que je chante aussi. Si je n’avais pas été artiste, cela ne m’aurait pas empêcher d’écrire des chansons mais je n’aurais jamais pu faire autant de voyage et je ne les aurais peut être jamais chanté sur scène. C’est intéressant de voir que la scène dépend totalement de la musique mais que la musique est indépendante de la scène. Je veux écrire des chansons qui puissent aller directement dans le coeur des gens.
 
Es-tu satisfais de ta carrière et as tu déjà eu des regrets?
 
Je suis satisfait de ma carrière à un certain point. Je sais qu’il est toujours possible d’être un meilleur parolier et un meilleur musicien mais aujourd’hui je suis satisfait de ma carrière. Je ne l’ai pas toujours été à certaines périodes mais d’une manière générale j’en suis satisfait. Si j’ai des regrets? J’aurais aimé m’être produit en Europe plus que je ne l’ai fais jusqu’à aujourd’hui, mais je ne sais pas si c’est un regret. C’est un mot très conséquent parce qu’il signifie qu’à un moment donné, je n’ai pas essayé de faire de mon mieux et je pense que j’ai toujours essayer de donner le meilleur de moi même donc je ne peux pas dire que j’ai beaucoup de regrets. J’essaie d’apprendre de chacune de mes erreurs mais aussi d’apprecier les points positifs aussi.