SHENG – RAPPEUSE SANS FRONTIÈRES

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Pour Sheng, la musique est à l’origine une histoire de désamour. Le souvenir des cours de piano rendus obligatoires par sa mère.Une véritable institution où il faut être irréprochable pour faire plaisir aux parents. En outre, Camille fréquente des stages où, avec d’autres enfants d’origine chinoise, elle est initiée aux pratiques traditionnelles, de la calligraphie au cerf-volant, un passage obligé, pour une petite-fille d’écrivain chinois.

Il faut attendre ses premières années à l’université pour que le rap vienne à Sheng, à travers la rencontre d’une bande de garçons qui passent leurs soirées à kicker. Face à eux, les filles du groupe ne sont que des observatrices passives, ce qui agace la jeune femme : «J’ai commencé à écrire pour que les filles soient représentées». Dans le rap, c’est avant tout l’univers visuel qui fascine la jeune femme, alors qu’elle découvre les premiers clips de Columbine ou bien ceux de Laylow. Recontre avec la jeune artiste.

Qui es-tu ?

Je m’appelle Sheng, je fais de la musique depuis au moins 3-4 ans maintenant. J’ai fait 10 ans de piano au conservatoire à partir de mes 6 ans. Mais le rap est venu tardivement en 2019, même si j’en écoutais comme tout le monde. Mais c’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire mes premiers textes.Je fais aussi des études à côté. J’aime mes amis, ma famille !

Récemment, tu as sorti un morceau intitulé « Venus ». Tu peux m’en parler ?

Vénus est le premier son que j’ai écrit. C’est un de mes morceau les plus intimes car je l’ai écrit pour moi après une rupture. J’ai trouvé le moyen d’extérioriser ma peine par la musique, l’écriture et les rap. Je ne pensais pas que j’allais sortir ce morceau un jour.

Te souviens-tu du premier morceau qui t’as marqué ?

C’est compliqué ! Le premier morceau qui m’a marqué je pense que c’était Remember the time de Michael Jackson. Pour la petite anecdote, quand j’étais petite mes parents m’avaient acheté un dvd des clips de Michael Jackson. Et comme j’étais un peu teubé, avec tous les clips qui s’enchainaient, je pensais que c’était un film ! Ce clip et cette musique m’avaient complètement matrixé ! Je regardais le clip en boucle !

Quelle message as-tu envie de transmettre sur ton premier projet ?

Je pense que plus qu’un message, c’est vraiment des sentiments que j’essaie de transmettre. Quand j’écris, je transmets des sentiments qui font écho en moi, qui sont tout à fait universels : la mélancolie, la tristesse, la nostalgie… A travers cet EP, j’espère toucher d’autres personnes. Le message serait que le passage à l’âge adulte est compliqué, mais on peut tous s’en sortir. Vous inquiétez pas, ça le fait !

Qui t’a inspiré sur ce projet ?

En termes d’artistes, une de mes inspirations sont un peu les « sad boys » : Lil Peep, XX Tentation… Je les adore. On me compare souvent à Damso, ce qui me fait très plaisir ! Sinon, ma mère et ma famille chinoise. Sur certains sons il y a des influences de musique chinoise et je rappe en mandarin.

C’est important pour toi de rester proche de ses racines ?

Ouais c’est super important pour moi. Je suis très proche de mes racines maternelles du côté de la Chine. Moins du côté de mon père qui est né au Liban. Plus qu’une question de racines, la culture chinoise a été cultivée dans mon enfance : j’allais en Chine tous les ans, j’y ai même été scolarisée un moment, je parle la langue aussi. Je m’y accroche donc énormément car ça me manque beaucoup.

Est-ce que tu dirais qu’il y a de la sororité entre femmes artistes en ce moment ?

Carrément ! Franchement au début j’avais une vision un peu clichée du rap car je voyais très peu de rappeuses. Et en vrai, je pense qu’on est toujours en minorité parce qu’on nous encourage moins à nous lancer, qu’on s’autocensure… Mais plus je grandis dans ce milieu, plus je vois qu’il y a énormément de rappeuses et de sororité. Par exemple dans mon équipe, mon label je ne travaille quasiment qu’avec des femmes. Même quand j’avais commencé les concours sur les réseaux, je me souviens qu’on était très peu de femmes à participer, et des fois on s’envoyait des messages entre nous, en mode oui moi aussi j’ai reçu un méchant commentaire ! Dès le début j’ai senti une entraide. En concert aussi, il y a aussi des filles qui viennent me voir en me disant qu’elles écrivent aussi mais qu’elles n’osent pas se lancer. Je leur dis qu’il faut se lancer ! On est loin du cliché des femmes qui se mettent des bâtons dans les roues.

Les problèmes du quotidien t’importent beaucoup ?

Je pense que oui, un peu trop. Je suis quelqu’un d’assez sensible, un peu trop émotive. Parfois il y a des petites contraintes du quotidien qui deviennent des gros événements pour moi. Après j’essaie de travailler sur ça. La résilience est quelque chose d’assez important, et c’est bête dit comme ça, mais la vie est courte. J’essaie d’attacher moins d’importance aux choses et d’être reconnaissante pour ce que j’ai.


Qu’est-ce que je trouve comme musique si je fouille dans ton téléphone ?

En vrai je vais dire comme tout le monde, ma playlist c’est un gros bordel ! Après globalement tu vas surtout y retrouver du rap français. Les classiques : Damso, Laylow, Hamza, j’adore Népal. Du Michael Jackson par-ci par là. Et de la musique classique et les b.o de Miyazaki aussi !

Tu écoutes ta propre musique ?

Oui et non. La plupart du temps pas vraiment. Comme beaucoup d’artistes, même si c’est bien mixé et masterisé, on entend toujours choses dont on n’est pas satisfaits. Mais ça commence à aller mieux !

Est-ce qu’il y a un morceau qui te représente ? Que tu te sens bien en écoutant, sans raison particulière ?

Le premier qui me vient tout de suite à l’esprit c’est de Columbine « Pierre Feuille Papier Ciseaux », il y a plein de phrases dans lesquelles je me reconnais. « Un rêveur oublié dans la cour de l’école » ça m’a énormément parlé. A l’époque je ne me sentais pas forcément bien à l’école et je me posais à l’écart pour rêver.

C’est quoi la suite pour toi après la sortie de ton Ep « Enfant Terrible »

Spoiler alert : on est déjà en train de taffer l’EP numéro 2, donc soyez prêts ! Même si il ne faut pas oublier de streamer le premier ! Il y a déjà pas mal de sons qui sont prêts. Je participe aussi au festival Slashasian le 9 juillet, qui met en avant les femmes de culture asiatiques.